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Utiliser les cartes et photographies anciennes pour comprendre les enjeux de biodiversité et les zones humides

Le passé d’un site d’étude a beaucoup à nous apprendre pour interpréter son état actuel et nous permettre de localiser les enjeux et proposer des méthodes de gestion adéquates.

Afin de connaitre son état passé ainsi que son évolution au cours des derniers siècles, nous utilisons les cartes et les orthophotographies anciennes.

Où trouver les cartes et orthophotographies anciennes ?

Les images anciennes sont disponibles gratuitement sur des sites web publics :

  • orthophotographies anciennes sur ign.fr
  • cartes anciennes de Cassini (XVIIIe siècle) et de l’état-major (XIXe siècle) sur geoportail.gouv.fr 

Quels sont leurs intérêts dans nos études ?

Pour l’étude des zones humides :

Cela aide à comprendre la dynamique et les évolutions hydrologiques de notre aire d’étude et ses environs :

  • Voir l’ancienneté d’une zone humide (cartographie de l’état-major, orthophotographies)
  • Dater les ouvrages et modifications anthropiques passées (creusement de fossés, pose de drains, seuils, remblaiement, recalibrage de cours d’eau, comblement ou création de mares, etc.)
  • Observer les effets de ces modifications anthropiques au cours du temps

 

Tracé des fossés drainants potentiels dans la tourbière de Ty ar Yeun à Briec (29) grâce aux orthophotographies anciennes (1950 à gauche) permettant de voir le site avant son recouvrement par une végétation arborée

Pour évaluer les enjeux de biodiversité :

Pour s’exprimer dans toute sa complexité et sa diversité, un milieu naturel demande du temps : formation du sol, colonisation des espèces et construction des interactions entre espèces. Dans un paysage modelé par l’homme, on distingue (Cateau et al., 2015) [1] :

  • L’ancienneté d’un élément paysager, autrement dit la continuité du sol dans le temps sans perturbation lourde ; le sol étant le « minimum vital » d’un écosystème en conservant sa banque de graines, ses propriétés physico-chimiques, biologiques et hydrologiques ;

 

  • La maturité qui correspond à l’âge de la végétation. Elle est modulée par la gestion du site : fauche, pâturage extensif, exploitation forestière, etc. indépendamment de l’ancienneté. Un milieu forestier en bon état requiert une certaine maturité, ce qui n’est pas le cas de milieux secondaires (landes, prairies permanentes, etc.) qui existent par la gestion.

 

Dans le contexte de nos études et du territoire en général, les perturbations du sol sont omniprésentes (labour, urbanisation, remaniement du sol) et conduisent à un rajeunissement des éléments paysagers. L’ancienneté est ainsi devenue un facteur limitant de la biodiversité, et les éléments anciens souvent associés à une biodiversité remarquable.

Pour l’étude des habitats :

Les cartographies réalisées par l’état-major, entre 1820 et 1866 sur tout le territoire français, sont d’une précision étonnante. Elles sont particulièrement informatives pour les boisements : les éléments boisés de la carte de l’état-major, s’ils ont perduré jusqu’à aujourd’hui, peuvent être considérés comme des boisements anciens datant de deux siècles ou probablement beaucoup plus (Morel, 2021) [2].

Les cartes de l’état-major représentent aussi les zones humides, souvent appelées à l’époque « marais ».

En revanche, les autres milieux tels que les prairies et les landes ne sont pas toujours visibles sur ces cartes, car ils étaient à la fois banals pour l’époque dans le paysage.

La carte de l’état-major sur la zone de l’aéroport de Rennes à Saint-Jacques de la Lande. Les prairies humides et le bocage encore existants au sud-est sont un hotspot pour plusieurs espèces d’orchidées (dont l’Orchis mâle, Orchis mascula).

 

 Pour conclure, identifier les unités paysagères anciennes dans le cadre de nos études est donc utile afin :

  • d’établir la continuité entre le paysage passé et présent et ainsi de justifier la patrimonialité d’unités paysagères actuelles ;
  • d’appuyer les enjeux observés dans certaines zones (espèces rares, menacées, protégées, bon état de l’habitat) qui par leur ancienneté jouent le rôle de refuges pour la biodiversité à l’échelle du paysage ;
  • de disposer d’un état de référence de la biodiversité pour les questions de conservation et de gestion.

 

Les cartes et photographies anciennes sont donc d’un grand intérêt pour les études actuelles et constituent une source précieuse d’informations sur le paysage.

Références :

[1] Cateau E., Larrieu L., Vallauri D., Savoie J.-M., Touroult J. & Brustel H., 2015 – Ancienneté et maturité : deux qualités complémentaires d’un écosystème forestier. Comptes Rendus Biologies, no 338, pp. 58-73.

[2] Morel L., 2021. Forêts anciennes et boisements féraux d’Armorique : conserver le patrimoine d’hier et protéger la nature de demain. Penn ar Bed no 241-242, pp. 3-23.

 

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