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Les étapes d’une demande de dérogation « Espèces protégées »

Accenteur mouchet

Certaines espèces animales et végétales sont protégées [1] à différentes échelles :  régionale, nationale, européenne voire mondiale dans le cadre de conventions internationales.

En France, la destruction d’individus d’espèces figurant sur des listes d’espèces protégées (établies à l’échelle nationale et parfois complétées à l’échelle régionale) est interdite par le code de l’Environnement (article L.411-1 de ce code). De même, l’impact sur leurs habitats (sites de reproduction et aires de repos) est réglementé par ce code.

Des dérogations sont possibles dès lors que le projet répond aux conditions édictées à l’article L.411-2 du code de l’Environnement. La procédure de dérogation au titre des espèces protégées est une procédure susceptible de s’appliquer quelle que soit la nature ou l’importance du projet. Classiquement, les conditions dans lesquelles peuvent être délivrées des dérogations répondent à trois critères cumulatifs :

  • Il n’existe pas d’autre solution alternative satisfaisante,
  • La destruction d’espèces protégées ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
  • Le projet doit être justifié par l’un des cinq motifs énumérés à l’article L.411-2 du C.Env comme par exemple une raison impérative d’intérêt public majeur [2].

 

Voici les étapes à suivre pour obtenir une dérogation espèces protégées :

Evaluer la nécessité de solliciter une demande de dérogation

Ces dernières années, plusieurs décisions sont venues préciser les conditions d’application du régime de dérogation au principe d’interdiction de destruction d’espèces protégées. Parmi ces décisions, trois ont été rendues par le Conseil d’Etat et sont à souligner : l’avis n°463563 du 9 décembre 2022 et deux décisions n°465464 et 474077 rendues le 30 mai 2024.

Ces décisions permettent de préciser le cadre d’application de la réglementation. Dans le cadre d’un projet (quelle que soit la procédure administrative associée), l’analyse du déclenchement d’une obligation de dépôt d’une dérogation s’effectue par deux conditions successives et cumulatives :

  • S’assurer de la présence de spécimens d’espèces protégées d’espèces protégées dans la zone du projet
  • Evaluer la présence d’un « risque suffisamment caractérisé » d’atteinte à l’espèce protégée et à son état de conservation au regard des mesures d’évitement et de réduction proposées par le pétitionnaire.

 

En cas de présence d’un risque suffisamment caractérisé, le pétitionnaire doit solliciter une demande de dérogation pour l’espèce concernée.

Le logigramme suivant met en évidence la nécessité ou non de déposer une demande de dérogation espèce protégée :

Demande de dérogation espèces protégées

Figure 1 – Nécessité de solliciter une demande de dérogation

La composition d’un dossier de demande de dérogation

La réglementation n’impose pas de contenu spécifique, cependant la demande doit obligatoirement comprendre le ou les formulaires CERFA qui visent à déclarer le ou les espèces concernées, le type d’atteinte prévue, et les mesures d’évitement, de réduction et de compensation envisagées.  

Les différents types de CERFA existants en fonction du type de demande dérogations espèces protégées sont les suivants :

  • Une demande de dérogation pour la capture, l’enlèvement, la destruction, la perturbation intentionnelle de spécimens d’espèces animales protégées (Formulaire 13616*01)
  • Une demande de dérogation pour la coupe, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement, de spécimens d’espèces végétales protégées (Formulaire 13617*01)
  • Une demande de dérogation pour la destruction, l’altération, ou la dégradation de sites de reproduction ou d’aires de repos d’animaux d’espèces animales protégées (Formulaire 13614*01)

 

Un dossier d’accompagnement peut être fourni pour préciser le projet et la nature de ses impacts. Ce dossier comprend habituellement :

  • L’état initial de la zone d’étude et l’évaluation des enjeux,
  • La présentation du projet
  • L’analyse des effets et des impacts sur les espèces protégées présentes
  • Les mesures d’évitement et de réduction prévues
  • La présentation des impacts résiduels et la justification du risque suffisamment caractérisé pour la ou les espèces concernées
  • Si nécessaire, les mesures compensatoires prévues,
  • Les mesures de suivi associées aux mesures ERC
  • Les mesures d’accompagnement envisagées.

 

Si des impacts résiduels sont identifiés, des mesures compensatoires sont à prévoir, ces dernières doivent respecter plusieurs principes :

  • L’équivalence écologique
  • La proportionnalité
  • La proximité géographique et écologique
  • L’additionnalité écologique
  • La pérennité, ainsi que la faisabilité de signer une convention de gestion, un contrat d’acquisition foncière ou un contrat Obligations Réelles Environnementales (ORE).

 

Déposer une demande aux services instructeurs

L’instruction du dossier de dérogation est réalisée par la DDT(M) (Direction Départementale des Territoires (et de la Mer) ou par la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) en fonction des caractéristiques de la demande. La demande suivra les étapes suivantes :

  • Dépôt du dossier en préfecture. Il doit être constitué :
    • d’un formulaire (ou des formulaires ) CERFA dûment complété(s)
    • d’un mémoire technique si  il est nécessaire de préciser les mesures ERC, l’état initial du site ou les raisons justifiant la demande de dérogation,
  • 1er examen de la recevabilité du dossier effectué par le service instructeur de la demande
  • Si le dossier est recevable : le service instructeur formule un avis sur le dossier et transfère la demande au CNPN ou au CSRPN (selon l’espèce concernée ou contexte particulier)

 

Il est à noter que dans certains cas, l’avis du CNPN ou du CSRPN n’est pas requis

  • Dans le même temps ou ultérieurement, le dossier est soumis à la procédure de participation du public par voie électronique (ou à enquête publique s’il est intégré dans une demande d’autorisation environnementale)

 

La DREAL a un rôle d’information sur la procédure administrative, les attendus du dossier, l’instruction et le suivi administratif.

Aboutissement de la demande de dérogation

La demande de dérogation fait l’objet d’un arrêté préfectoral portant décision de dérogation à la destruction d’espèces protégées ou de refus.

Il est à noter que le silence gardé pendant plus de quatre mois par l’autorité administrative vaut décision de rejet – sauf si la dérogation s’inscrit dans une procédure d’autorisation environnementale (article R.411-6 du code de l’environnement).

Cette décision est rendue après avis du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN) ou du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) qui disposent d’un délai de 2 mois maximum pour transmettre leur avis (favorable, favorable sous-condition, défavorable) aux services de l’Etat en charge du dossier.

La répartition des compétences entre CNPN et CRSPN

L’arrêté du 6 janvier 2020 établit une liste de 1 187 espèces pour lesquelles une consultation du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) est nécessaire avant toute dérogation. Ce texte renforce le rôle scientifique du CNPN pour les espèces en mauvais état de conservation et transfère 52 % des avis concernant d’autres espèces aux Comités Régionaux de la Société de Protection de la Nature (CSRPN), favorisant ainsi une gestion déconcentrée.

Il modifie également la procédure de dérogation, en maintenant les exigences de protection des espèces. Pour les demandes hors autorisation environnementale, une consultation du CNPN ou du CSRPN est obligatoire. La répartition des compétences se base sur le critère « espèces » :

  • Si la demande concerne uniquement des espèces protégées « de droit commun » (non listées aux articles R. 411-8-1 ou R. 411-13-1), le CSRPN émet l’avis.
  • Si au moins une espèce listée dans ces articles est concernée, le CNPN examine l’ensemble du dossier.

 

Chauve-souris Noctule commune Sérapias à languette - Serapias lingua

Grand Capricorne (Cerambyx cerdo) – ©Dervenn

Espèce protégée en France et en Europe, quasi-menacé en France

Espèce CNPN

Noctule commune (Nyctalus noctula) – ©Wikimedia Commons : Mnolf

Espèce protégée, vulnérable en France

Espèce CNPN

Sérapias à languette (Serapias lingua) – ©Dervenn

Espèce protégée, En danger en Pays de la Loire et En danger critique en Bretagne

Espèce CSRPN

Le préfet pourra solliciter l’avis du CNPN, si l’impact de l’activité sur l’une des espèces concernées nécessite d’examiner la demande dans un contexte plus large que celui de la région considérée. Le préfet pourra également solliciter l’avis du CNPN si 1/3 des membres du CSRPN en fait la demande.

La procédure résumée dans un logigramme :

Demande de dérogation espèces protégées

Figure 2 – Procédure de dépôt d’une dérogation espèce protégée

Respecter l’arrêté préfectoral

Quel que soit la décision prise par l’autorité compétente, le maitre d’ouvrage en sera informé par arrêté préfectoral.

  • Acceptation de la demande : arrêté préfectoral fixant les mesures ERC
  • Refus de la demande : arrêté préfectoral motivé avec suivi de l’interdiction

 

Pour aller plus loin : Projets d’aménagement – prendre en compte les espèces protégées

L’accompagnement de Dervenn Conseils & Ingénierie

Dervenn vous accompagne dans toutes vos démarches vis-à-vis de la prise en compte des espèces protégées dans vos projets :

  • La conduite du diagnostic et l’établissement des enjeux
  • La déclinaison de la démarche éviter et réduire et l’évaluation des impacts bruts et des impacts résiduels,
  • Le dimensionnement du besoin compensatoire et la définition des mesures compensatoires
  • L’établissement des mesures de suivi et des mesures d’accompagnement,

 

Dervenn assure également le montage des dossiers de dérogation espèces protégées et peut être un appui à la maitrise d’ouvrage lors de ses échanges avec les services de l’Etat.

Notre rôle consiste à fournir les données techniques et scientifiques nécessaires pour justifier la demande de dérogation, en proposant des solutions pour limiter les impacts environnementaux, et en veillant à ce que le projet respecte les objectifs de conservation des espèces protégées.

Accompagner les maitres d’ouvrage est une des missions des professionnels du génie écologique. Si vous avez besoin d’un conseil ou d’une intervention : contactez-nous

 

[1] Espèce pour laquelle s’applique une réglementation précise pour en interdire la destruction, la perturbation, l’utilisation ou certaines actions la concernant. En fonction du type de réglementation (locale, nationale, communautaire, internationale), et du groupe considéré (flore, oiseaux, insectes etc), l’implication de la protection d’une espèce sur un projet d’aménagement peut être très variable, et doit être considérée au cas par cas.

[2] A noter que pour le développement des ENR, le règlement 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 prévoit que la construction et l’exploitation d’installations de production d’énergies renouvelables sont présumées présenter un intérêt public majeur.

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