Voici donc le dernier volet de cette série d’articles dédiée à la compensation écologique. Après la phase études puis celle des travaux, le suivi est une étape cruciale. C’est aussi la plus longue, car elle s’étend souvent sur plusieurs dizaines années, et mobilise donc des moyens humains et financiers sur l’ensemble de cette période. Encore un argument de plus pour ne pas négliger de réduire et d’éviter au maximum les impacts sur l’environnement dans l’approche ERC.
Sa durée est au moins égale à la durée d’exploitation du projet. Le suivi s’enclenche dès la fin des travaux. Selon les mesures compensatoires mises en œuvre, le bureau d’étude, et/ou l’association locale missionnée, organisera :
- Les suivis naturalistes pour la faune, la flore, les cours d’eau, les mares et les zones humides, à partir d’un planning et de protocoles validés avec les Services de l’État ;
- Le suivi des échanges avec les parties prenantes impliquées dans le maintien des mesures compensatoires. Par exemple les exploitants agricoles en cas de parcelles faisant l’objet de baux agricoles.
Le suivi peut déclencher la mise en œuvre d’actions d’entretien, voire d’actions correctives si l’efficacité d’une mesure compensatoire est compromise.
Pérenniser les mesures compensatoires
Ces mesures ont pour objectif d’assurer l’équivalence écologique une fois le projet finalisé — une déviation routière, une ZAC, un parking, un lotissement…
Or, la trajectoire écologique d’un habitat naturel n’est pas une science linéaire. Des plantations récentes peuvent nécessiter une reprise de plants dans un premier temps, puis une taille régulière les années suivantes. Des habitats restaurés en vue d’accueillir certaines espèces d’oiseaux protégées devront faire l’objet de toutes les attentions pendant toute la durée d’exploitation du site.
Ici, le dialogue régulier avec les propriétaires et gestionnaires des sites de compensation est essentiel. Car l’entretien et la pérennisation des mesures compensatoires sont étroitement liés à leur intervention sur leur terrain. Leur action est encadrée par un cahier des charges, associé à la convention ou au bail en fonction des modalités de sécurisation foncière. Celui-ci peut intégrer par exemple, un encadrement des travaux de fauche, des pressions de pâturage, des limites des zones de culture.
Pérenniser la maitrise du foncier
C’est un prérequis à la pérennité des mesures compensatoires, que le maître d’ouvrage ait la maîtrise foncière du terrain, soit par acquisition, soit par conventionnement avec le propriétaire. Les conventionnements par ORE (pour obligations réelles environnementales) sont un nouveau dispositif introduit par la Loi Biodiversité de 2018. Le maitre d’ouvrage, et son bureau d’études s’il est accompagné, doit aussi anticiper les différents cas de figure et imprévus pour garantir la maitrise du foncier sur 10, 20, 30 ans. Notamment en cas de décès du propriétaire si conventionnement il y a, ou de rétrocession à une collectivité publique si ce scénario est envisagé.
Se pose d’ailleurs la question de l’après : qu’adviendra-t-il de ces terrains et milieux naturels restaurés, réhabilités ou réaffectés une fois la durée d’exploitation écoulée ? La ou les réponse(s) reste(nt) pour le moment en suspens. Car la compensation écologique est récente, et les retours d’expérience encore peu nombreux dans la durée. Pour autant, sur ces sites, comme tant d’autres, la nature est intimement liée à l’intervention humaine.
Cette dernière phase de suivi est donc plus complexe et complète qu’elle n’en a l’air de prime abord. Elle vise à contrôler et à entretenir, à anticiper, et à engager le dialogue avec toutes les parties prenantes, dans un objectif commun : préserver les milieux naturels restaurés, dans la durée.