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Comment évaluer les fonctions des zones humides ?

Evaluation des fonctions des zones humides

Marais Ploemeur – Zone humide

Présentation des fonctions des zones humides

Prairies humides, tourbières, boisements, … les milieux humides présentent une très forte diversité d’habitats qui façonnent nos paysages. De nombreuses études ont pu mettre en évidence les fonctions et services écosystémiques apportés par ces milieux. Trois fonctions majeures peuvent être identifiées :

  • Fonctions hydrologiques : Les zones humides sont notamment qualifiées d’éponge naturelle, favorisant le stockage d’eau en période hivernale et la restituent en période estivale. Elles jouent également un rôle dans la régulation des crues et le soutien d’étiage.
  • Fonctions physiques et biogéochimiques : elles constituent des filtres naturels, à la fois physiques par le ralentissement et le piégeage des matières en suspension, des polluants et nutriments, mais aussi des filtres biologiques grâce au processus de dénitrification et adsorption / précipitation de divers nutriments. Les milieux humides contribuent donc à l’épuration des eaux.
  • Fonctions écologiques : véritable réservoir de biodiversité, ces milieux se caractérisent par une diversité d’habitats hébergeant de nombreuses espèces qui y sont inféodées. À titre d’exemple, ces milieux accueillent 30 % des espèces végétales remarquables et menacées et 50 % environ des espèces d’oiseaux.

Bien que ces milieux apportent de nombreux services rendus à la société (services écosystémiques), ils ont perdu plus de 50% de leur surface entre 1960 et 1990 en France. Cette disparition est principalement liée aux activités humaines, qui ont détruit ou profondément modifié le fonctionnement des zones humides.

Protection des zones humides et séquence Éviter – Réduire – Compenser (ERC)

La réglementaire française et européenne visent à enrayer ce phénomène de disparition et à protéger ces milieux notamment via la loi sur l’eau (1992)[1] et la doctrine Eviter-Réduire-Compenser (2012)[2].

Les règlements des SDAGE (Schéma directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et des SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau) instaurent également certaines règles en matière de zones humides. Ces derniers peuvent interdire la destruction de zone humide, ou destruction sous conditions.

Pour ce dernier cas de figure, après application des mesures d’évitement et de réduction des impacts et en cas d’impacts résiduels d’un projet sur les zones humides, il est alors obligatoire de mettre en place des mesures compensatoires si le projet respecte les conditions prescrites au sein du SAGE et du SDAGE local. Cette compensation se définit aussi bien en termes de surface qu’en termes de fonctionnalité. Selon le territoire et le type de zone humide, la compensation surfacique varie de 100 % à 1000 % par rapport à la surface impactée. Concernant la fonctionnalité, la compensation doit viser la restauration des fonctions similaires à celles impactées pour obtenir une équivalence fonctionnelle, voire un gain.

Méthode nationale d’évaluation des fonctions des zones humides (MNEFZH)

Guide de la méthode nationale d'évaluation des fonctions des zones humides

Guide de la méthode nationale d’évaluation des fonctions des zones humides

Pour évaluer l’équivalence fonctionnelle entre une zone humide impactée et une zone humide de compensation (au sens de l’Art. L.211-1 du Code de l’environnement), nous utilisons la Méthode Nationale d’Évaluation des Fonctions des Zones Humides (MNEFZH) développée par l’ONEMA (actuellement OBF) et différents partenaires (2016). Trois fonctions hydrologiques, cinq fonctions biogéochimiques et deux fonctions en rapport avec l’accomplissement du cycle biologique des espèces sont ainsi évaluées. Cette évaluation est réalisée en tenant compte des propriétés intrinsèques du site (en zone humide) et également de son environnement (sa zone contributive, sa zone tampon, son paysage et aussi éventuellement le cours d’eau associé).

Zones étudiées lors de l’application de la méthode (ONEMA, 2016)

L’application de la méthode repose sur des prospections sur le terrain ainsi que des analyses cartographiques. Au total 22 paramètres alimentant 32 indicateurs doivent être renseignés sur le site projet avant/après impact et sur le site compensatoire avant/après mesures.

Afin d’appliquer la MNEFZH, deux diagnostics sont établis, sur la zone humide impactée et sur la zone humide compensatoire, avant et après impact/restauration, afin de pouvoir juger de l’équivalence et de la plus-value écologique de la restauration :

  • Le diagnostic de contexte de la zone humide, qui repose sur une description narrative du contexte physique, écologique et anthropique du site et de son environnement (masse d’eau, habitats composants la zone humide, etc.) ;
  • Le diagnostic fonctionnel de la zone humide, qui permet d’évaluer sa capacité à réaliser certaines fonctions selon les éléments observés dans le site et son environnement (dénitrification, connexion entre les habitats, etc.).

Graphe après application de la méthode nationale d'évaluation des fonctions zone humide avant et après impact

Graphe après application de la méthode nationale d’évaluation des fonctions zone humide avant et après impact

Limite de la méthode actuelle

Respect des prescriptions réglementaires

La mise en œuvre de la doctrine ERC (Éviter – Réduire – Compenser) est guidée par un certain nombre de principes, qui incluent la proportionnalité, l’équivalence, la proximité géographique et temporelle, la faisabilité (technique et financière), la pérennité, l’additionnalité et la cohérence. La Méthode nationale d’évaluation des fonctions des zones humides permet uniquement de répondre aux principes de proximité géographique, d’efficacité, d’équivalence fonctionnelle et d’additionnalité écologique.

Cohérence entre le site impacté et le site compensatoire

L’analyse de l’équivalence fonctionnelle entre un site impacté et un site de compensation peut être réalisée seulement si le diagnostic de contexte met en évidence une similarité entre les deux sites. Il est donc nécessaire de veiller à ce que les deux sites réunissent les 5 conditions suivantes :

  • Appartenir à la même masse d’eau ou à des masses d’eau de surface immédiatement en amont ou en aval l’une de l’autre
  • Présenter des pressions anthropiques similaires dans la zone contributive
  • Présenter un paysage similaire
  • Appartenir au même système hydrogéomorphologique
  • Présenter des habitats similaires dans le site.

Ces conditions sont très contraignantes et il n’est malheureusement pas toujours facile de les respecter, notamment en raison des contraintes foncières sur des parcelles pouvant accueillir les mesures compensatoires. L’application de la méthode est donc forcément restrictive.

Définition fine des mesures techniques

Cette méthode et les outils qu’elle utilise (tableurs et graphiques produits) sont des moyens de s’assurer de la cohérence du projet de compensation (choix du site et son état estimé après restauration), mais ne suffisent pas à définir le projet de manière précise. Il s’agit avant tout d’un outil préalable à la validation de la poursuite de l’avant-projet de mesure compensatoire avant l’établissement du projet précis de travaux de restauration.

De plus certaines mesures techniques retenues dans le Guide national d’aide à la définition des mesures ERC[3] ne peuvent être renseignées, alors qu’elles participent à la restauration des zones humides, notamment en ce qui concerne la modulation de gestion ou l’arrêt des fertilisants et/ou de pesticides sur une parcelle.

Complexité technique et interprétation

Malgré son utilité certaine dans une optique d’harmonisation de l’approche de l’équivalence fonctionnelle, l’application de la méthode est assez longue et technique du fait des très nombreuses informations à relever et à compléter sur les zones humides impactées et les sites de compensation. De plus, les calculs et modalités de résultats des indicateurs sont opaques.

Le guide méthodologique insiste bien sur le fait que la comparaison entre le site impacté et le site de compensation repose sur l’ensemble des indicateurs qui renseigne une sous-fonction et non pas au regard d’un seul indicateur. Certains services instructeurs ont encore selon nous une approche biaisée et trop comparative « un à un » des résultats de chaque indicateur, et attendent une équivalence, voire un gain pour tous les indicateurs, ce qui n’est pas cohérent avec la méthode en elle-même.

Si l’exercice est réalisé de manière simpliste en vue de maximiser un indicateur dans le cadre d’une mesure, la méthode amène à multiplier des aménagements qui ne sont pas toujours pertinents. Par exemple, pour maximiser l’indicateur « diversité des habitats », il suffit de rajouter un bosquet ou une haie sur la parcelle visée par la mesure pour augmenter significativement la valeur de l’indicateur après restauration. Si ce nouvel habitat équivaut à ceux présents dans le paysage, l’indicateur « Similarité des habitats » sera également maximisé. À l’inverse pour cet indicateur, la création de bosquet dans un paysage de cultures ouvertes fera diminuer la valeur de cet indicateur de Similarité, malgré son caractère d’habitat semi-naturel favorable à l’accueil de la biodiversité.

Enfin, et relativement logiquement, les mesures qui génèrent la meilleure plus-value écologique sont la conversion de culture en prairie permanente accompagnée d’une suppression de drainage (drains souterrains ou fossés), ainsi que la suppression de remblais ou la suppression de plan d’eau. Cette logique qui vise à supprimer des dégradations affectées aux zones humides, plutôt qu’à en créer artificiellement, restera toujours la meilleure et la plus bénéfique aux zones humides.

Une deuxième version de la méthode va bientôt être publiée, et nous l’attendons avec impatience. Elle permettra de mieux prendre en compte les retours d’expérience de ses utilisateurs et sera élargie aux zones humides littorales.

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[1] Loi n92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000173995/#:~:text=%2D%20L’eau%20fait%20partie%20du,que%20des%20droits%20ant%C3%A9rieurement%20%C3%A9tablis.

[2] https://www.ecologie.gouv.fr/eviter-reduire-et-compenser-impacts-sur-lenvironnement#:~:text=La%20doctrine%20%C3%A9viter%2C%20r%C3%A9duire%20et,environnement%20dans%20les%20d%C3%A9cisions%20publiques.

[3] Guide THEMA Évaluation environnementale – Guide d’aide à la définition des mesures ERC, CGDD CEREMA 2018 : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Th%C3%A9ma%20-%20Guide%20d%E2%80%99aide%20%C3%A0%20la%20d%C3%A9finition%20des%20mesures%20ERC.pdf